Déclaration de la CGT-Educ’action au CTA du 2 juin 2015
par
Réforme du collège.
Nous ne saurions débuter cette déclaration sans évoquer la situation qui s’est créée suite au passage en force gouvernemental sur la réforme du collège. Alors qu’une majorité de parents et de personnels se disent opposés à celle-ci, alors que les moyens d’une véritable concertation n’ont pas été pris, le gouvernement a décidé, avec une grande brutalité, d’acter par décret, au petit matin, ladite réforme.
Pour la CGT, le collège tel qu’il existe n’est pas satisfaisant, loin s’en faut. Essentiellement parce qu’il a consacré depuis longtemps le renoncement à l’ambition d’un collège unique vraiment démocratique. De ce point de vue, ce qui est essentiel dans les mesures de l’enquête PISA, c’est l’écart croissant performance scolaire entre les 10% les plus en réussite et les 10% les plus en difficulté, et c’est le coup d’arrêt que cela révèle, donné à un mouvement plus que séculaire de progression du niveau scolaire des élèves.
Dans ces conditions c’est une toute autre politique qu’il faudrait mettre en œuvre. Loin du socle commun de compétences et de l’autonomie accrue des établissements. Loin également de la variabilité accrue des contenus enseignés. Une politique qui ne saurait être menée à moyens constants.
Pour la CGT une politique ambitieuse doit donner une véritable priorité à l’éducation et viser la transmission d’une culture de haut niveau commune à tous les élèves du collège. Ce sont là les bases de notre engagement aux côtés des autres organisations syndicales et des personnels, pour l’abrogation de cette réforme, notamment dans l’appel à une nouvelle journée d’action et de grève le 11 juin prochain.
Répartition des moyens AED.
Dans cette déclaration liminaire nous souhaitons attirer particulièrement l’attention du CTA sur la répartition des moyens en assistant-e-s d’éducation, en lien avec la tenue récemment des différents groupes de travail départementaux. La CGT souligne que pour les Bouches du Rhône par exemple, l’augmentation cumulée depuis 2012 des élèves du secondaire est supérieure à 3 500. Or la dotation en emplois AED en 2012 était de 1330 et elle est de 1368,50 pour la rentrée 2015, en intégrant les adjoints de prévention et de sécurité. Dans ces conditions il est clair que la dotation réelle des établissements en moyens AED se détériore significativement. Les seuils définis en 2012[1] ne sont plus respectés et des disparités importantes se creusent entre établissements.
Bilan de la formation des enseignants :
Compte tenu de l’ordre du jour de ce Comité Technique, nous consacrerons une partie importante de notre déclaration aux conditions d’entrée dans la profession des personnels enseignants en formation.
L’année scolaire 2014-2015 a débuté en ce qui les concerne par une mobilisation des titulaires d’un M2 en réaction à l’obligation de se soumettre à un parcours leur imposant de fait de le valider une seconde fois. Comme nous l’avions dit à l’époque, cette obligation était aberrante, sous quelque forme qu’on la présente. Elle était contraire à la réglementation établie par la circulaire ministérielle du 17 juin 2014[2].
En fait d’adaptation de leur parcours, c’est à une course d’obstacles éprouvante que les stagiaires de toutes disciplines ont été exposés. Cela a provoqué de l’épuisement, du découragement, de la souffrance et un nombre non négligeable d’échecs ou d’abandons. Prétendre, comme il est de coutume, que toute entrée dans un nouveau métier génère des impacts sur la santé et que c’est un passage obligé, n’est pas satisfaisant au regard de ce que les personnels en formations ont vécu, et de ce qu’ils/elles expriment, y compris dans la propre enquête de l’Inspection Générale, conduite en février dernier et dont les résultats partiels figurent au dossier de ce CTA.
Il nous semble dans ces conditions qu’établir un bilan approfondi est nécessaire et qu’il exige que le nombre et le pourcentage de ces échecs et abandons soient connus et que leurs causes soient analysées en profondeur. A minima, un tel bilan devrait produire l’effectif en formation en début d’année et l’effectif des titularisés en fin d’année. Cela requiert également que tous les angles de la question soient considérés : les conditions de travail en établissement, les conditions de formation à l’ESPE et la charge de travail à laquelle les stagiaires ont été soumis, à la fois du fait de leur statut d’enseignants débutants et des obligations liées à la formation dispensée par l’ESPE. Ces divers éléments doivent être considérés en tenant compte en outre de la charge spécifique liée à la situation d’alternance.
Notre propre travail d’enquête auprès des stagiaires, sur la base de 35 questionnaires renseignés, dont nous joignons la synthèse à cette déclaration, fait ressortir les conséquences pour le moins douloureuses pour ces personnels stagiaires, de l’inadéquation très forte, à la fois ressentie et vécue concrètement, entre les conditions réelles de la formation et leurs besoins. Dix-sept pour cent des stagiaires nous ayant répondu, admettent avoir songé à démissionner pendant l’année. Ainsi, il semblerait que les taux d’échecs et de démissions demeurent élevés malgré le retour à une formation en alternance. Beaucoup parmi les stagiaires ont exprimé le sentiment d’être exposés à une seconde sélection, en rupture avec l’idée d’une formation sereine et de qualité.
L’enquête de l‘Inspection Générale fait en tout cas ressortir nettement le décalage fort entre les attentes des personnels formés et leur vécu en formation. Près de 40 % d’entre eux pour les personnels en alternance, se déclarent insatisfaits ou très insatisfaits de leur accueil à l’ESPE. Près de 75 % d’entre eux jugent leur parcours de formation peu adapté, voire pas adapté du tout à leurs besoins. Significativement également, seule une minorité de stagiaires en mi-temps de formation, estiment que leur formation est une véritable formation en alternance…
De fait, c’est que les conditions auxquelles ils ont été soumis leur ont bien trop souvent donné l’impression que leur expérience d’enseignement et le travail qu’elle requérait passait au second plan. Sur la base du sondage, certes limité, que nous avons effectué, les stagiaires PCL2 travaillent en moyenne vingt-cinq heures par semaine en plus de leurs neuf heures d’enseignement. La formation leur impose huit heures en moyenne de travail par semaine, en dehors de la présence aux formations dispensées. Cette charge est évidemment bien trop lourde pour des personnels qui ont besoin de temps pour élaborer leurs premiers cours. Ils/elles sont placé-e-s devant des choix impossibles. Que faire ? Favoriser le travail demandé par l’ESPE ou la préparation de classe, quand on n’a pas le temps de tout faire de manière satisfaisante ?
Il est donc urgent que l’employeur prévoie d’intégrer en tant que tel un volume de temps de travail individuel dans le temps dédié à la formation et que l’économie globale de la formation soit revue conformément à l’esprit d’une véritable alternance. Il est temps que l’administration reconnaisse la nécessité de mieux articuler exercice professionnel en établissement, travail personnel et besoins de formation, afin d’assurer une meilleure coordination entre ces différentes exigences. Cela afin de fonder véritablement la formation sur une logique d’alternance articulant expérience pratique, recul critique et apports théoriques. Dans ce cadre, il faut que l’administration prenne acte du manque actuel patent réflexion fondée sur les situations professionnelles, pourtant la plus utile aux enseignants stagiaires, et du décalage avec les objectifs concrets de formation.
Dans cette perspective, le travail autour du mémoire professionnel, imposé de manière particulièrement aberrante pour les titulaires du M2, a souvent cristallisé le ressentiment et une légitime colère. L’idée qu’il permettrait une « différenciation des parcours », nous paraît un bien piètre argument, alors que le vécu concret des stagiaires est marqué, selon la propre enquête de l’Inspection Générale, par un fort sentiment de décalage entre les contenus de formation et leurs besoins. En outre, les consignes définitives de rédaction de ce mémoire ne sont parvenues aux stagiaires que le 9 avril pour un rendu le 9 mai !
Pour la CGT, il est donc impératif à minima que son contenu soit allégé pour prendre la forme d’un compte-rendu de stage pratique, avec un délai de restitution rallongé. Une prise en compte minimum de la notion de parcours adapté, prévue par les textes en vigueur, impose cet allégement. Cela demande à l’avenir de tenir compte effectivement du parcours antérieur des personnels et de leurs besoins individuels correctement évalués. Tout cela en phase avec les objectifs d’une formation professionnelle pratique. Aucun stagiaire ne doit refaire à l’ESPE une formation déjà acquise. Il serait bon d’ailleurs que l’administration nous communique le nombre exact de celles et ceux qui ont été exposé-e-s à cette seconde validation.
Pour conclure sur ce chapitre, la situation vécue cette année par un trop grand nombre de stagiaires exige que soient pris en compte les formes de souffrances spécifiques et les risques psycho-sociaux auxquels ils/elles sont exposé-e-s. Parmi les 34 stagiaires ayant répondu à notre enquête, dix-huit se reconnaissent plus de quatre symptômes de « burn-out ». Les symptômes les plus fréquemment relevés sont le sentiment d’être vidé (pour 29 stagiaires), les troubles du sommeil (pour 24), les maux de ventre (pour 19) et la chute de l’estime d’eux-mêmes (pour 14). Les troubles musculo-squelettiques et les états de tristesse chronique ont touché respectivement 12 stagiaires.
Nous demandons par conséquent qu’un retour nous soit fait de la part du service de prévention en ce qui concerne la santé des stagiaires. Notamment en ce qui concerne le nombre de stagiaires examinés en raison d’un stress aigu dû aux conditions de formation. Nous demandons également qu’une information sur l’existence du service de prévention et sur la déclaration des accidents de service soit faite à tous les stagiaires.
En tout état de cause, l’expérience vécue par de trop nombreux personnels formés cette année dans notre académie, et le retour qu’ils/elles en font dans les enquêtes, justifient sans aucun doute que le CHSCT académique soit saisi l’an prochain pour examiner les risques auxquels ils/elles sont exposé-e-s dans le cadre de leur formation professionnelle.
Nous rappelons à ce sujet que conformément au décret 82-453 régissant l’activité des CHSCT, les comités techniques peuvent saisir pour avis le CHSCT « de toutes questions qu’ils estimeraient utiles dans les domaines de l’hygiène, de la sécurité du travail, de la prévention médicale ou des conditions de travail ».
Nous émettons donc un vœu dans ce sens que nous soumettons au vote du Comité.
Réforme de l’administration de l’Etat.
La Cgt terminera son intervention en évoquant la réforme de l’administration de l’état, suite au conseil des ministres du 22 avril dernier.
Notre académie et celle de Nice, font partie des académies susceptibles d’être fusionnées, même si nous savons M. le recteur, que vous préférez évoquer la constitution d’une « nouvelle entité ». Pour le gouvernement et le ministère, il s’agit de mettre en cohérence les politiques état/régions relatives en particulier à l’enseignement supérieur et la recherche, à la carte des formations, au service public régional de formation, aux lycées.
Pour la Cgt, ces arguments masquent bien mal la véritable motivation de ce projet qui résulte plutôt d’une acceptation des logiques de concurrences entre régions dans les politiques menées par l’Union européenne. Elle conduit, pour l’éducation nationale et l’enseignement supérieur, à la régionalisation de la formation professionnelle et à la généralisation des Communautés d’universités et d’établissements. Cette réorganisation de l’état préfigure une régionalisation et une autonomie accentuée des institutions de l’enseignement, de la recherche et de la formation.
Dans ces conditions, nous participerons à la réunion de cette après-midi, comme aux réunions ultérieures, non pour apporter une quelconque caution ou être l’alibi d’une pseudo-concertation, mais pour rappeler notre opposition politique sur le fond à ces logiques et porter les revendications du personnel.
Pour la CGT Educ’Action de l’académie d’Aix-Marseille,
Jean Louis Brunel et Emmanuel Arvois
[1]CC - jamais moins de 4 AED / établissement (collège, LGT ou LP)
- 1 AED/106 élèves en zone banale
- 1 AED/82 élèves en RRS
- 1 AED/42 élèves en ECLAIR
[2] « Pour être nommés stagiaires, les lauréats des concours 2014 devront justifier soit de la détention d’un M2 (cf. session exceptionnelle), soit d’une inscription en deuxième année de master métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (MEEF) au sein de l’ESPE (cf. lauréats de la session de droit commun rénovée des concours externes, à l’exception de ceux détenant déjà un master) ». La circulaire indiquait également que les stagiaires dispensés de la préparation d’un master « (…) soit parce qu’ils en détiennent déjà un, soit parce qu’il ne leur est pas nécessaire pour être titularisés [les lauréat-e-s des concours spécifiques notamment], [verraient] leur parcours en ESPE adapté ».
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